Biathlon sous le projecteur des médias : quand le vrai problème échappe à l'attention.
La Coupe du Monde de Biathlon au Grand-Bornand, entre médiatisations et perceptions : quand les clichés dominent et le débat climatique s’efface derrière le visible.
La Coupe du Monde de Biathlon qui a lieu cette semaine au Grand-Bornand est un événement qui suscite à la fois enthousiasme d’un public français bouillant et débat avec des paysages très verts et une météo parfois pluvieuse. En tant que biathlète haut-savoyard, sportif de haut niveau et ambassadeur pour le développement durable au sein de l’Union Internationale de Biathlon, je souhaite partager mon point de vue à ce sujet.
Reconnaître les défis
Je reconnais qu'organiser un événement de biathlon de classe mondiale à 1000 m d’altitude en décembre est indéniablement complexe et présente des défis importants. Ce n’est un secret pour personne que de tels événements ne sont pas entièrement durables dans leur configuration actuelle, et que continuer ainsi n’est pas viable à long terme. Le maire d’Annecy, M. François Astorg, qui vient de retirer son support pour l'événement, l’a lui-même affirmé dans une interview accordée au journal Libération il y a quelques semaines : « À propos de la question du climat dans les stations de moyenne montagne, tout le monde est d’accord sur le fait qu’on ne peut plus faire comme avant. » Cependant, lorsque je lis les propos émis dans les médias, le dialogue autour de cet événement semble souvent manquer l’essentiel du sujet.
Recentrer l’attention
Lorsque l’on parle de l’impact environnemental de la Coupe du Monde au Grand-Bornand, la discussion tourne invariablement autour de la production de neige artificielle. Oui, le ballet des camions de neige qui transporte la neige produite les années d’avant est une image visible et marquante. C’est une scène idéale pour les médias : leurs articles attirent les clics, ce qui augmente leur audience et leur visibilité, et surtout des réactions (virulentes pour certaines). Certaines associations de défense d’une montagne plus durable semblent même prendre un certain plaisir à attaquer les organisateurs de l’événement sur ce sujet. Mais voici les faits, seuls éléments tangibles pour mener ce sujet vers la vérité : la production de neige représente moins de 1 % des émissions totales de carbone de l’événement (rapport disponible sur le site web de l’IBU). Alors, pourquoi cela domine-t-il le débat ? Pourquoi nous concentrons-nous sur un élément qui, bien que symbolique, n’est pas le principal problème ?
Nous devrions plutôt diriger notre attention vers les véritables sources d’émissions: les déplacements des spectateurs, qui représentent une part écrasante de 80 % de l’empreinte carbone. C’est là que réside la plus grande opportunité de changement. C’est là que nous devrions orienter notre combat et agir.
Célébrer les efforts
Plutôt que de critiquer l’événement et de le qualifier d’échec, pourquoi ne pas célébrer les avancées positives déjà réalisées par rapport aux années passées ou aux autres événements du même sujet ? Par exemple:
Innovations en matière de transport: Des efforts significatifs ont été déployés pour réduire les émissions de CO2 des spectateurs à travers des initiatives telles que des bus supplémentaires, des navettes, et des trains TER affrétés pour l’occasion. Comme indiqué dans Le Messager, ces trains desservent Annecy depuis Grenoble, Chambéry et au-delà, facilitant l’accès sans voiture. L’objectif fixé par les organisateurs cette année est de transporter entre 400 et 500 spectateurs par jour uniquement via ces moyens partagés. En 2022, près de la moitié des spectateurs avaient opté pour des transports collectifs et ce chiffre est appelé à augmenter. La plateforme de covoiturage TOGETZER est également disponible durant chaque journée de l'événement pour réduire l'impact carbone de certains spectateurs.
Options alimentaires durables et gestion des déchets: Sur le site, les produits locaux sont mis à l’honneur. De la viande au fromage, tout est sourcé localement, ce qui réduit l’empreinte carbone et soutient les producteurs de la région. La gestion des déchets est également améliorée avec des options de tri disponibles sur tout le site et une revalorisation des déchets et optimisation de l'énergie dans les zones VIP.
Optimisation de la production de neige: Bien que la production de neige reste nécessaire (le cahier des charges de l’IBU l’impose même pour les événements à plus haute altitude), Le Dauphiné met en avant le fait que les organisateurs ont travaillé à la rendre aussi efficace que possible. Avec la mise en place de nouveaux sites de stockage à proximité du stade, le recours aux transports par camion a été réduit de moitié par rapport à 2022. L’objectif est de supprimer complètement ces transports d’ici 2025. En parallèle, des innovations comme les modules en bois pour les pas de tir réduisent encore davantage les besoins en neige, tout en améliorant l’équité de la course pour les compétiteurs.
L’impact économique
Cette compétition est bien plus qu’un événement sportif. Elle est la plus grande manifestation de sports d’hiver en France et l’une des plus importantes en Europe, rivalisant avec des événements comme la Tournée des Quatre Tremplins en saut à ski ou les épreuves de biathlon à Oberhof et Ruhpolding en Allemagne. Avec 60 000 spectateurs prévus durant toute la semaine, l’événement place Le Grand-Bornand, la Haute-Savoie et les Alpes françaises sur le devant de la scène mondiale.
Les retombées économiques pour la région sont énormes. L’afflux de visiteurs soutient l’économie locale, des hôtels aux restaurants, et met en lumière la richesse culturelle et naturelle de la France. Ces retombées sont essentielles non seulement pour le sport, mais également pour les communautés locales qui dépendent du tourisme.
Privilégier un dialogue constructif
Il est facile de critiquer et de rejeter des événements comme celui-ci. Mais nous devons reconnaître que les organisateurs travaillent dans un cadre contraint par des cahiers des charges stricts tout en s’efforçant de réduire leur impact climatique. Des discussions constructives sur ce qui peut être amélioré, tout en célébrant les progrès déjà accomplis, mèneront à des résultats bien meilleurs que des critiques négatives.
La Coupe du Monde de Biathlon au Grand-Bornand n’est pas parfaite. Aucun événement sportif de cette envergure ne l’est. Mais ce n’est pas non plus l’échec que certains décrivent. C’est une plateforme pour expérimenter, apprendre et s’améliorer. Célébrons les réussites, maintenons des discussions critiques constructives et concentrons-nous sur l’objectif de rendre le biathlon, ou bien n’importe quel sport en général, plus durables pour l’avenir.
Et en 2030 qu'allons nous faire?
La France accueillera les Jeux Olympiques d’hiver de 2030, et les épreuves de biathlon et de ski de fond auront lieu dans les Aravis, au même endroit que les épreuves de biathlon de la Coupe du Monde de ce week-end. Cet événement majeur met sous les projecteurs une question essentielle : comment garantir que la durabilité et les mesures environnementales soient au cœur de l’organisation de ces Jeux ?
Pour répondre à ces défis, des discussions approfondies devront avoir lieu sur plusieurs fronts. Il sera crucial de planifier une mobilité durable pour les spectateurs, notamment avec des infrastructures de transport en commun renforcées, comme les trains et navettes. Il faudra aussi repenser l’organisation de chaque week-end de compétition afin de minimiser l’impact climatique. Cela inclura des innovations dans la gestion de la neige, des infrastructures réutilisables, et une alimentation locale et écoresponsable.
Cependant, il pourrait être nécessaire d’aller plus loin et de réfléchir à la possibilité de déplacer certaines épreuves vers des lieux situés à des altitudes plus élevées, mieux desservies par les transports en commun ou mieux adaptés aux changements climatiques. Cela permettrait de réduire la dépendance à la neige artificielle et de créer un modèle plus durable pour les compétitions futures. Les Jeux de 2030 représentent une opportunité unique d’établir une nouvelle norme pour les événements sportifs internationaux.
Avançons ensemble
La Coupe du Monde de Biathlon au Grand-Bornand nous montre que les événements sportifs sont des plateformes puissantes pour initier des changements positifs. Nous ne pouvons pas ignorer les défis, mais nous devons également célébrer les progrès accomplis. Plutôt que de diviser, engageons-nous dans des dialogues constructifs qui inspireront non seulement les organisateurs d’événements futurs mais aussi les spectateurs, les athlètes et les décideurs à être parties prenantes d’un avenir plus durable pour le sport et notre planète.